Immobilier professionnel : une opacité nocive

Par Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, société de consulting immobilier

consulting immobilier

Thibault Lieurade : Bonjour Michel Mondet

Depuis 2008, le marché de l’immobilier tertiaire français connaît une étonnante résistance comparé à la situation chez nos voisins. Comment cela ? Eh bien les loyers n’évoluent quasiment pas alors qu’ils avaient chuté au début des années 90. Mais quelle crédibilité accorder aux chiffres actuels ? En effet, le fossé se creuse entre loyers affichés et loyers réels. Une situation connue de tous les acteurs du marché, mais dont tous s’accommodent. Pour décrypter la réalité du marché, Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, président d'Akeance Consulting, société de consulting immobilier.

Michel Mondet : Bonjour

Thibault Lieurade : Alors quel est l’ampleur de ce fossé entre loyers réels et affichés et comment en est-on arrivé à cette situation ?

Michel Mondet : Et bien il est quasiment impossible de donner un chiffre précis sur l’écart. Ce dont on est sûr c’est que certaines franchises de loyers peuvent atteindre 9 à 10 mois, ce qui est considérable. La raison principale est bien entendu le besoin de maintenir une valeur d’actifs pour éviter les dépréciations en maintenant une rentabilité grâce au maintien du loyer facial constant ou élevé.

Thibault Lieurade : Mais la franchise n’est pas le seul paramètre de négociation ?

Michel Mondet  : En période de conditions économiques favorables, on négocie les loyers, et in fine les charges sont une sorte de mal nécessaire. Aujourd’hui,  les conditions économiques ne sont pas favorables. On négocie donc aussi les charges pied à pied entre bailleurs, preneurs et property managers. C’est évidemment encore plus vrai quand on parle des centres commerciaux. C’est bien entendu sur les dépenses de travaux qu’on va négocier le plus. Au final, on a tendance à négocier une sorte de package : loyer plus charge.

Thibault Lieurade : Mais alors comment cette opacité se traduit-elle aujourd’hui dans les contrats entre les parties ?

Michel Mondet  : Alors il y a là un vrai paradoxe. Toutes les parties prenantes se plaignent de cette opacité, de ce manque de transparence dans les charges et pourtant l’étude Akeance sur les charges immobilières montre que seulement 18% des preneurs font un contrôle approfondi de leur régularisation de charge. Alors que de l’autre côté, seulement 14% des bailleurs justifient la totalité de leur régularisation par une note explicative. C’est absolument incompréhensible.

Thibault Lieurade : Finalement cette opacité est-ce qu’elle n’arrange pas tout le monde, je m’explique : le locataire va avoir son loyer et ses charges réduits et puis le bailleur va afficher un loyer élevé ce qui va lui permettre de valoriser son actif. C’est mieux de concéder des avantages que d’avoir un immeuble, une boutique vacante ?

Michel Mondet : Et bien non, détrompez-vous, 77% des acteurs, aussi bien côté bailleur que preneur, que property manager par ailleurs sont mécontents de cette situation et se plaignent du manque de visibilité des charges.

Thibault Lieurade : Et pourquoi ?

Michel Mondet  : Essentiellement pour 3 raisons. D’abord tout simplement par ce qu’il s’agit de bien comprendre ses propres équilibres financiers pour mieux anticiper et prévoir ses dépenses et ses revenus. Ensuite parce que la réglementation technique et administrative sur les actifs ne cesse de se complexifier et rend le métier du property manager de plus en plus difficile. Enfin parce globalement les marges de manœuvre financières se réduisent pour tout le monde alors que les contraintes réglementaires alourdissent la facture.

Thibault Lieurade : Mais alors comment faire pour mettre fin à cette situation ?

Michel Mondet  : d'abord il serait bon de cesser de vouloir tout réglementer et tout contraindre. Ensuite la mise à plat des services rendus, des travaux envisagés et des facturations associées doit faire l’objet d’une discussion beaucoup plus en amont des négociations et parfois même à la conception du bien. Le principe d’une facturation au forfait fait aujourd’hui débat, on sait ce qu’on paie et pourquoi on paie mais la tentation est grande de ne pas assurer le service pour accroître sa marge au sein du forfait. La France par exemple ne procède quasiment jamais à une facture forfaitaire de charges alors que la Belgique facture au forfait pour 57% des acteurs. De même le bail vert existe alors même qu’il ne donne que très peu l’occasion de véritables discussions entre bailleurs et preneurs. Bref l’essentiel est certainement dans le besoin de réinstaurer un plus grand dialogue au sein de tous ces acteurs.

Retrouver l'interview sur http://www.xerficanal-economie.com/invite/Michel-Mondet_g409.html

Le défi des charges immobilières


conseil en immobilierNouvelle étude d'Akeance Consulting : "Le défi des charges immobilières"

 

Le taux de vacance augmente, dans l’immobilier tertiaire comme dans le retail. On pourrait s’attendre à une baisse des loyers ; d’autant plus que l’atonie des affaires conduit naturellement à vouloir mieux maîtriser ses dépenses. Or, il n’en est rien. Les asset managers ou les financiers préfèrent en effet négocier des franchises de loyer plutôt que de devoir corriger la valorisation des actifs suite à une baisse de loyers.

Au-delà de cette problématique des loyers, qu’en est-il des charges immobilières ? On sait qu’elles augmentent significativement sous la double pression des contraintes techniques et environnementales. Comment mieux  les maîtriser? Comment mieux les gérer ? Comment les négocier ?

Akeance Consulting a souhaité approfondir ce domaine au travers d’une vaste étude, « le défi des charges immobilières », menée en France, Belgique et Luxembourg, auprès de 93 acteurs. Ont ainsi été interrogés 38 foncières (ou assimilées), 33 utilisateurs (ou preneurs à bail) et 22 property managers. Cette étude a été menée entre février et juin 2014. Elle est disponible en version papier uniquement auprès de « [email protected] ».

Les enseignements sont évidemment nombreux. Pour en retenir que l’essentiel, disons qu’il tiennent à la fois à la situation de chaque pays et à différentes maturités de gestion des charges.

Le Luxembourg , essentiellement dans le domaine du tertiaire, connaît un taux de vacance très faible (de 3 à 4%) ce qui implique une acceptation plus aisée des charges immobilières afférentes. La Belgique, en revanche, connaît une vacance significative du tertiaire et du retail. Notamment à Bruxelles, la vacance de bureaux atteint 14%. Cette situation créée une tension sur les charges mais relativement moindre qu’en France, dans la mesure où les activités de property management sont souvent confiées  à des brokers / courtiers, ce qui assouplit probablement la relation entre le bailleur et le preneur.

Les tensions sont naturellement plus marquées sur le marché du retail (des centres commerciaux notamment) que sur celui des bureaux.

Cette étude fait émerger d’autres enseignements. Le manque de transparence dans le détail et la justification des  charges est un point majeur. 43 % des utilisateurs se plaignent de ce manque d’information / de précision. Mais paradoxalement, 56 % des mêmes utilisateurs avouent ne pas contrôler systématiquement les charges immobilières à payer !  Une amélioration de cette situation ne tiendrait-elle pas dans une plus grande fréquence dans la régularisation des charges ? Cette reddition de charges est quasiment exclusivement annuelle en France et trimestrielle pour la moitié des acteurs belges. En tout cas, plus de dialogue, plus d’échanges en amont des négociations de charges immobilières (lors de l’entrée dans les murs ou même à la conception du bien) permettraient certainement plus de sérénité dans les relations bailleurs-preneur à bail.

Le business model du property manager lui-même pose question. Une rémunération assise sur un pourcentage du montant des charges interpelle. Quasiment aucune charge immobilière, en France, ne fait l’objet d’une forfaitisation, contrairement à la Belgique où la moitié des bailleurs / property managers  pratiquent peu ou prou la forfaitisation des charges. Indépendamment de la forfaitisation, ne peut-on pas introduire des mécanismes de « cap » et « floor » sur certaines charges ?

La gestion des charges elle-même fait l’objet d’une grande hétérogénéité. Les profils mobilisés par les property managers sont plus administratifs en Belgique et plus techniciens en France. Les process sont plus ou moins standardisés. Les outils informatiques sont particulièrement divers qu’il s’agisse de la France ou de la Belgique, le développement d’outils « in house » étant significatif d’une maturité encore en devenir.

Dans ces conditions d’exercice des métiers de l’immobilier et étant donné la morosité économique actuelle, se pose la question du devenir du métier de gestionnaire. Ce métier va-t-il s’intégrer de plus en plus dans le métier d’asset management ? Pour quel marché (retail, tertiaire, …) ? Ou bien ce métier va-t-il intégrer des offres de service plus proches du facility management ? Dans les deux cas, ces évolutions tiennent à la fois aux évolutions du métier mais aussi au fait que les rémunérations des property managers pâtissent beaucoup de cette situation tendue. Encore faut-il ne pas confondre réduire les honoraires du property manager et mieux maîtriser les charges immobilières…

Rappelons que cette étude est disponible pour trois Pays (France, Belgique et Luxembourg) en version papier uniquement auprès de [email protected].

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La Lettre de l’Immobilier N°6 – Mai 2014

L’immobilier à l’aube du « Big data » : les données, une classe d’actifs à optimiser !

consulting en immobilierQuel que soit le positionnement des acteurs du secteur de l’immobilier dans la chaîne de valeur, les données constituent aujourd’hui et plus que jamais un enjeu de taille. Le secteur est familier de la notion d’asset management : créer de la valeur à partir d’un actif en mobilisant différents leviers. La transposition de cette logique à la classe d’actifs spécifique que constituent les données ouvre des perspectives importantes.

 Une classe d’actifs complexe mais disposant d’un fort potentiel 

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