Qui fait une série TV ?

Au dîner en ville, on se dit tous que les séries télé, c’est nul ! Et quand on rentre chez soi, … on regarde les séries télé ! En douce, en cachette, furtivement… Comme un péché. Et je ne fais pas exception : je regarde les séries télé.

Malheureusement, je constate une fois de plus à quel point l’image de l’entreprise est dévoyée, salie, malmenée. Dans bon nombre d’épisodes, intervient une entreprise et son patron, l’adjoint, les conjointes. Et les poncifs de la pensée unique y sont tous ! D’abord, l’entreprise est très vite réduite à une PME dirigée par un autocrate qui, parfois, à un associé. Si tel est le cas, il y a systématiquement des conflits entre associés. La fraude fiscale est très souvent évoquée. Le dirigeant est arrogant, méprise la police, n’a jamais le temps de rien. Son habitation est nécessairement luxueuse ; c’est souvent une grosse demeure, cossue, très old school. Son épouse est tout aussi méprisante, parfois vulgaire ou simplette. Enfin, la famille des dirigeants est souvent crainte par la ville locale mais jamais aimée. Le tout dans une incohérence économique patente : l’activité de l’entreprise, le nombre de salariés ou encore le chiffre d’affaires qui est parfois évoqué ne sont visiblement pas à la hauteur des trains de vie affichés sur l’écran.

Il y a une drôle de happy end pourtant. Ce n’est pas toujours le dirigeant qui est le coupable.

Non, franchement, il y en a assez de ces a priori sur l’entreprise ! On pourrait imaginer que seules les chaînes de télévision publiques sont concernées, la pensée unique étant, me semble-t-il, plus marquée dans le public. Eh bien non, les chaînes privées tombent dans le même caniveau. En revanche, afficher à l’écran une liaison entre policiers ou, pire, entre policier et membre de la magistrature, traitant bien sûr le même dossier, ne gêne visiblement aucune chaîne !

Je pourrais me contenter des séries anglaises ou nordiques où les scénarios sont beaucoup plus orientés sur des sujets familiaux, psychologiques ou d’espionnage. Mais j’aimerais surtout voir une série française où l’entreprise, avec les talents et les faiblesses de chacun,  est valorisée à la hauteur de ce qu’elle est : un lieu d’émulation d’équipes, avec une équipe dirigeante qui travaille ensemble dans le seul souhait d’une réussite de développement d’une activité.

Qui va oser faire une série où l’entreprise donne un espoir de vie sociale aux plus démunis ? Où l’entreprise donne un champ d’apprentissage aux plus jeunes ? Où tout simplement le chef d’entreprise vit comme les autres, sans grosse voiture ostentatoire ? Où deux associés s’entendent bien ? Où l’entreprise aide à réhabiliter la vérité et la justice ?

Un éloge de l'autorité

Thibault Lieurade : Bonjour Michel Mondet
Michel Mondet : Bonjour Thibault

Thibault Lieurade : Vous êtes président d’Akeance Consulting et on va parler d’autorité aujourd’hui. Alors c’est d’autant plus intéressant d’en parler que cette notion d’autorité semble en recul aujourd’hui, on parle surtout d’organisation horizontale qui remplacerait les organisations verticales, traditionnelles. D’abord, est-ce qu’il faut regretter ce recul de l’autorité comme on peut l’appeler ?

Michel Mondet : Regretter, non, je ne pense pas que ce soit nécessaire. Il faut la réhabiliter, le vrai sujet c’est réhabiliter l’autorité, et l’autorité c’est faire obéir, c’est simple comme définition, ça donne des vapeurs à la pensée unique, mais c’est ça. Faire obéir, c’est d’autant plus vrai quand on a précisément une organisation du travail qui est de plus en plus collaborative. Les individus sont de plus en plus interdépendants les uns que les autres, donc qu’on gère une crise, qu’on gère un projet ou qu’on gère collectivement la production de tel ou tel service, il y a besoin tout de même que tout le monde arrive à l’heure comme on dit trivialement. Donc il y a besoin d’avoir un référent qui s’appelle le chef, le manager, le chef de projet comme vous voulez, qui fasse en sorte que tout le monde obéisse pour faire en sorte qu’on arrive tous bien à l’heure, que le service soit rendu, que la crise soit résolue etc.

Thibault Lieurade : Donc faire obéir et donc donner des ordres.

Michel Mondet : Non Thibault, faire obéir ce n’est pas donner des ordres. C’est plus qu’une nuance. Faire obéir c’est faire adhérer aussi, donc la contrepartie de surveiller ses équipes pour que dans le respect des uns des autres, les travaux avancent de manière collaborative mais de manière régulière et partagée, il faut aussi que le chef, le manager, le chef de projet, arrive à expliquer aux équipes le pourquoi du comment, le sens du projet, donne des explications, soit à disposition pour les réponses. Donc il y a dans faire obéir, l’engagement du chef qui doit suffisamment expliquer pour faire adhérer.

Thibault Lieurade : Pourtant le mot autorité, vous pouvez en convenir, il est connoté, on pense à ordre, on pense à sanction aussi, vous semblez lui trouver un sens nettement plus positif ? 

Michel Mondet : Oui je pense c’est plus positif que ça. C’est une caricature ce que vous évoquez. Pour autant, il y a des sanctions, faire obéir, l’autorité, ça ne va pas sans sanction et ça ne va pas sans valorisation parce qu’on ne parle pas assez de chefs qui ne savent pas valoriser. On parle des chefs et des mauvais chefs qui sanctionnent, mais pas de ceux qui ne valorisent pas. Et pour autant, c’est la même chose. Il faut savoir, il faut oser, un zéro d’augmentation sur quelqu’un qui ne fait pas l’affaire pour différentes raisons, mais il faut aussi oser se départir d’un collaborateur qui est excellent, et même s’il sert bien le chef, si je le dis simplement, il faut le faire évoluer ailleurs parce qu’il est excellent. Il faut oser une prime complémentaire sur un projet, et tout ça constitue la valorisation des équipes. Donc il n’y a pas que la sanction, il y a le contraire de la sanction : la valorisation.

Thibault Lieurade : Dernière notion rattachée plus ou moins à cette notion d’autorité, l’exemplarité dans tout ça ?

Michel Mondet : L’exemplarité c’est un bon point. C’est à la fois une contrepartie de l’autorité, à la fois je dirais une condition sine qua non. L’exemplarité ce n’est pas être saint et parfait, l’exemplarité c’est faire ce que je dis et dire ce que je fais. Donc ça veut dire que parfois on s’excuse, parfois on n’écoute pas assez, qu’on se trompe et qu’on recommence etc. L’exemplarité, c’est cette transparence du faire ce que je dis et du dire ce que je fais. C’est une contrepartie parce que c’est la manière de vous faire respecter, bien évidemment. On ne peut pas vous en vouloir d’être transparent, on ne peut pas vous en vouloir de ne pas être parfait. Et par ailleurs, la condition sine qua non, c’est que si vous vous laissez prendre à jouer au petit chef comme on dit, si vous vous laissez prendre au caprice, aux petits ordres, aux ordres idiots, à ce moment-là évidemment vous perdez toute exemplarité. Vous n’êtes plus qu’un petit chefaillon.

Thibault Lieurade : est-ce que vous auriez un exemple exemplaire d’exemplarité ?

Michel Mondet : Il y en a beaucoup. Il y a en a un qui est un peu provocant mais que j’aime bien. C’est la mafia sicilienne. Oui, ils font des choses pas terribles, je vous l’accorde mais à l’intérieur de la mafia sicilienne, il y a une très grande exemplarité. Il y a des règles, il y a des codes, valent ce qu’ils valent, mais il y en a un et dans la mafia sicilienne, on fait ce qu’on dit, on dit ce qu’on fait. Ca a beau être provocant, je pense que ça mérite de devoir être médité.
Thibault Lieurade : Et bien merci beaucoup Michel Mondet, on va terminer là-dessus. Merci.
Michel Mondet : Merci Thibault.

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