Quelle réunionnite ? Il n’y a pas assez de réunions !

Aujourd'hui Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, pour parler des réunions en entreprise. Une interview menée par Thibault Lieurade.

Thibault Lieurade : Bonjour Michel Mondet, vous êtes président d’Akeance Consulting et aujourd’hui nous allons aborder la tendance des entreprises françaises à user et abuser de la réunion, si bien que l’on évoque aujourd’hui ce mal français que serait la « réunionnite ». Alors qu’en pensez-vous, vous à votre niveau ? Avez-vous l’impression de perdre votre temps dans d’interminables réunions ?

Michel Mondet : Vous connaissez bien Thibault, les réunions, il y en a trop et pas assez. Je pense surtout qu’il n’y en a pas assez, et qu’il n’y a pas assez de bonnes réunions. Et puis « le mal français », vous savez, vivez un peu en Allemagne, travaillez avec des allemands et vous verrez que pour tout et rien ils font réunir 10 personnes. Et pourtant l’Allemagne marche plutôt bien je pense...

Thibault Lieurade : Alors dites-nous en un peu plus, parce que « pas assez de réunions », cela peut en choquer certains. Encore une fois, on parle de « réunionnite » !

Michel Mondet : Je le sais bien, mais les réunions que l’on vit sont bien souvent à la fois mal organisées et mal pensées. Elles sont mal organisées de manières assez évidentes et même épatantes parfois parce que vous n’avez ni d’horaire de début ni d’horaire de fin avec des gens qui arrivent en retard, c’est le fameux « quart d’heure d’Ile de France ». Il faut être à l’heure et finir à l’heure. Il faut qu’il y ait une organisation, une salle prête etc. Alors évidemment, lorsque ce n’est pas le cas tout le monde se précipite sur ses Smartphones et passe la réunion à envoyer des textos sous la table. La réunion s’effiloche et personne n’est content, les participants ont trouvé ça interminable, l’orateur n’est pas content et effectivement la réunion n’a pas été bonne.

Thibault Lieurade : Alors vous avez dit « mal organisées », vous avez également dit « mal pensées »…

Michel Mondet : Oui « mal pensées » car les réunions doivent avoir un vrai sujet. Un comité de direction n’est pas fait pour refaire la stratégie tous les huit jours ou pour que chacun lise son agenda sur son iPhone. Une réunion a un sujet : de quoi va-t-on parler et de quoi ne va-t-on pas parler. Et tout le monde doit y participer. On a un vrai sujet qui est embêtant, c’est qu’en général, en réunion, il y a une personne descendante qui est le sachant, l’acteur ou l’orateur. Cette personne-là est seule, avec des « Claudettes » autour d’elle mais un peu confit, comme pour les fruits, c’est un peu le sirop qui va avec…Donc il y a en réalité un sachant/orateur au milieu tandis que le reste est plutôt là pour confire l’orateur et il n’y a pas de véritable participation de la part de l’ensemble des acteurs autour de la table.

Thibault Lieurade : Alors comment peut-on renforcer cette collégialité et donc renforcer l’attention des participants ?

Michel Mondet : Très simplement, je pense qu’il faut formater les réunions. Premièrement, les formater beaucoup plus courtes, pour qu’elles puissent être plus fréquentes et qu’elles puissent faire participer plus de monde. Des réunions d’un quart d’heure c’est possible : il faut les prévoir, commencer à l’heure et finir l’heure et avoir un sujet précis à traiter. On peut passer à une demi-heure ou trois quarts d’heure, la durée n’est pas importante en soit du moment qu’elle reste courte et que l’on s’y tient. Deuxièmement, pour les réunions régulières, il faut avoir un ordre du jour permanent et un ordre du jour éphémère pour que l’on puisse savoir à quoi sert la réunion de manière régulière et qu’est-ce que l’on y ajoute parce que ponctuellement, l’actualité, le projet ou les évènements de l’entreprise font que l’on étoffe l’ordre du jour permanent avec un certain nombre de sujets.

Thibault Lieurade : Mais cela ne risque-t-il pas de dégrader la qualité des échanges qui peuvent intervenir au bout de plusieurs longues minutes, au-delà de la demi-heure de discussion ? Les Brainstormings par exemple ?

Michel Mondet : Oui vous avez un peu raison, les Brainstormings sont plus longs et on peut dire qu’une réunion trop courte tue la réunion. Mais cela étant dit, il faut aussi revoir le contenu et le sujet de la réunion. Le vrai sujet d’une réunion, c’est quand même son sujet et ce n’est pas tautologique. Je pense qu’il y a beaucoup de réunions qui sont mésestimées, sous-estimées et qui tiennent aux débriefings des périodes passées. On accorde un petit peu trop de temps à demain et pas assez à hier. On est sur des débriefings de post mortem sur les projets, dieu sait si j’en vois passer dans les projets du cabinet, qui sont rarement valorisés et rarement bien préparés.

Thibault Lieurade : Et alors comment ça se passe chez Akeance ?

Michel Mondet : On ne fait pas vraiment exception Thibault. On a un peu de mal à faire nos réunions post mortem sur les missions, on a un peu de mal à faire nos réunions hebdomadaires pour la gestion du cabinet, etc. Je pense vraiment qu’il faut que l’on fasse attention. Il y a comme un effet Doppler en réunion, il y a toujours cette envie d’avenir qui mord sur la satisfaction d’hier, mais je pense qu’il faut consacrer autant de temps à l’un et à l’autre. Il faut avoir des réunions pour faire des débriefings, des post mortem, tirer des leçons et se satisfaire de son passé pour essayer de préparer un peu mieux son avenir.

Thibault Lieurade : A garder en tête lors des prochaines réunions que ceux qui nous écoutent vivront. Merci beaucoup Michel Mondet.

Michel Mondet : Merci Thibault.

La rse : de quoi je me mêle ?

Xerfi Business reçoit cette semaine Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting pour parler de la rse. Interview menée par Thibault Lieurade.

Thibault Lieurade : Michel Mondet, Bonjour.
Michel Mondet : Bonjour

Thibault Lieurade : Vous êtes président d’Akeance Consulting et on va parler, encore une fois et ce n’est pas la première fois que cela vous arrive sur ce plateau, d’un concept bien dans l’air du temps cette fois-ci, il s’agit de la RSE : la Responsabilité Sociale des Entreprises. Première question, pour vous, mode ou nécessité la RSE ?

Michel Mondet : Mode ou nécessité je ne sais pas. La RSE c’est quelque chose qui m’irrite beaucoup. Un premier sujet d’irritation qui est assez simple, la RSE dans l’entreprise devient un dogme, une sorte de secte si vous voulez, intouchable, qui devient un jocker à tout et à rien alors qu’à côté de ça, vous avez des comportements minimums de base en termes de qualité qui ne sont pas au rendez-vous. Combien d’entreprises ne répondent pas aux candidats qui postulent chez eux ? Une majorité. Combien de boîtes ne répondent pas dans les délais qui sont inscrits, promis, dans les appels d’offres ? Une majorité. Pareil pour les délais de paiement.
Il y a une deuxième chose qui m’irrite, c’est la porosité qui existe entre la RSE et les services achats.

Thibault Lieurade : Alors si je comprends bien ce que vous nous avez dit jusqu’à présent, c’est surtout une forme d’ingérence qui vous irrite ?

Michel Mondet : Oui il y a de l’ingérence. Dans les services achats c’est même pire que ça, on assiste à une espèce de jugement de son propre fournisseur. Que les services achats vérifient la légalité de leurs fournisseurs, don’t act, mais au-delà c’est un peu excessif, c’est vraiment de l’ingérence et même parfois de l’inquisition. Quand on me demande si j’ai des enquêtes de satisfaction au sein du cabinet : de quoi je me mêle ? Quand on m’interdit de mettre un stagiaire sur une mission alors que la première des responsabilités sociales d’entreprise à mon avis c’est d’aider les plus jeunes, on m’interdit de mettre un stagiaire sur une mission au nom d’un dogme de sécurité d’entreprise parce qu’il y a une Charte, un livre blanc ou je ne sais quoi sur la sécurité. Quand j’entends dire chez un de nos clients qu’un de nos confrères est blacklisté parce que des consultants ont dit qu’il y aurait une mauvaise ambiance dans le cabinet, plus subjectif je n’ai pas vu. Donc il y a une vraie limite à l’ingérence, il y a une vraie limite au subjectif et à cette porosité qu’il y a entre RSE et services achats. Vous savez, le début de la RSE, le basique, c’est aimer les gens et transmettre aux autres, c’est quand même déjà le rôle d’un responsable de service, de département ou d’un dirigeant. Il ne faudrait pas que la RSE, au nom d’un dogme, vienne encore plus déresponsabiliser les responsables et les managers.

Thibault Lieurade : Je dois dire que je suis un peu surpris par vos propos parce qu’en général quand on veut être critique vis-à-vis de la RSE on évoque plutôt des tactiques comme le green-washing. En effet l’actualité nous donne régulièrement des cas, je pense à cette entreprise qui gérait le barrage au Brésil qui a cédé début 2019, le barrage a cédé juste après la publication d’un rapport RSE magnifique.

Michel Mondet : Absolument et il y avait un autre rapport d’ailleurs qui expliquait que les tuyaux de débord des trop-pleins étaient bouchés, on aurait peut-être dû les déboucher. Mais là vous avez les deux sujets, vous avez la déresponsabilisation des managers qui évidemment n’ont rien fait suite au rapport technique, mais on s’est complu dans le rapport green. Sauver la planète c’est sûrement une bonne chose, mais à côté de ça vous avez aujourd’hui tous les jours à Paris, un 747 cargo qui arrive de Chine et qui livre des goodies, des coques de téléphone à moins de 20 dollars pièce. Tout ça est un caprice de chacun d’entre nous qui est fait au prix de quelques milliers de tonnes de carbone déversées tout de même donc je pense que la responsabilité collective n’a pas beaucoup de sens, il faut qu’on ait une responsabilité strictement individuelle, et des engagements très personnels sur des sujets de green-washing ou de sauvetage de la planète.

Thibault Lieurade : Mais finalement est ce que ce n’est pas un vœu pieux de « revenir au bon sens », de compter sur le bon sens ?

Michel Mondet : Non ce n’est pas un vœu pieux, je pense qu’il faut d’une part se dire que n’importe qui ne peut pas dire n’importe quoi ou demander n’importe quoi donc encore une fois que les achats vérifient des sujets de légalité, cela ne me gêne pas, qu’on ait des engagements de moindre consommation de gobelets en plastique c’est plutôt très bien, simplement il faut faire très attention à ce que l’on n’ait pas au nom d’un dogme, au nom d’une charte ou au nom d’un engagement ou de valeurs de RSE, que l’on ait in fine, un faux nez qui cache des imperfections de gestion et pire, que l’on aille vers de jockers de non-qualité, de non-respect. Il est très important de faire attention à ce faux nez qui est en train de naître à cause d’une RSE qui serait quelque part mal placée.

Thibault Lieurade : Merci beaucoup Michel Mondet d’être venu partager avec nous votre irritation au sujet de cette RSE.
Michel Mondet : Merci à vous.

Top