De la machine à l'humain : réapprendre à s'aimer en entreprise

Aujourd'hui Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, pour parler d'un sujet au titre intriguant :
"De la machine à l'humain : réapprendre à s'aimer en entreprise".

Bonjour Michel MONDET.

Bonjour Thibault.

Vous êtes président d’Akeance Consulting et on va parler une nouvelle fois d’automatisation aujourd’hui et on va essayer de le lier, il y a un sujet qu’on n’a pas encore traité, c’est ce lien avec les réductions d’effectifs. Est-ce que l’explication est aussi binaire ? Est-ce qu’on automatise, du coup on a moins besoin de personnel ? Est-ce que c’est aussi simple que ça?

Non, ce que vous dites était probablement vrai dans les années 80, dans les crises post pétrolières, on a évidemment imaginé ce genre de choses. Non, c’est moins binaire. Regardez les reconversions de sites par exemple, c’est vrai dans l’automobile si vous voulez, automatiser une chaîne ce n’est pas véritablement passer de la même chaîne à une chaîne elle-même automatique. C’est transformer un peu l’usine, donc il faut relocaliser parce qu’on n’a pas l’espace, on a des contraintes etc., donc il faut mettre ailleurs le site, et du coup cette relocalisation de l’usine, elle passe par des licenciements ou des départs d’effectifs parce que, in fine ces effectifs sont embarqués dans le projet, mais ce n’est pas directement lié.

Mais alors, comment est-ce qu’on peut expliquer cette automatisation ? Quelle est la logique qu’il y a derrière ? C’est simplement pour faire moderne ?

Non, ce n’est pas que pour faire moderne.

Je reprends le terme que vous nous aviez dit sur le plateau.

C’est vrai, c’est vrai, non, non, il y a toujours quand même des vestiges des années 80 si j’ose dire, la machine, le robot, il ne fait pas grève, il ne tombe pas malade, surtout il ne fait pas d’erreur. Donc évidemment, ça reste vrai in fine, et fort heureusement, les voitures sont beaucoup construites à travers les robots.
En revanche, il y a quelque chose qui est un peu nouveau et qui n’est pas du tout « années 80 », c’est le comportement des équipes si vous voulez. On est quand même dans une période depuis quelques années, où non seulement il y a une pensée unique mais elle a son corollaire, c’est son comportement unique. Le comportement unique de la plupart des équipes, c’est quand même de critiquer le chef, parce que forcément comme j’ai le droit, j’ai le devoir de le critiquer, on mélange un peu tout, évidemment on propose rien. Regardez les statistiques « est-ce que Macron a convaincu à la télévision ? », on sait que le lendemain, 66% ou 70% des gens disent non. On le sait avant. Donc ce type de critique, il gêne beaucoup, parce qu’in fine, les dirigeants, les managers intermédiaires sont lassés. Ils ont le droit comme tout le monde au respect humain si vous voulez. Donc à un moment donné, y a cette lassitude qui s’installe, et il y a probablement moins d’efforts à vouloir sauver tel service ou telle filiale, dont on sait très bien qu’ils sont entre guillemets « ingérables », c’est comme ça qu’on dit les choses dans une entreprise. « Ingérable », ça veut dire « j’abandonne, je suis las de toute cette situation ».

Mais alors comment est-ce qu’on fait pour se remettre à préférer l’humain à la machine dans l’entreprise ?

Ah, c’est une grande question.
Question presque philosophique.
Elle est un peu philosophique, mais c’est vrai que la situation, y a des data, y a des process et y a des « hommes-choses », on leur demande de faire des choses, on processe l’individu, on lui donne des scripts, on le forme à un certain nombre de tâches, etc. et par ailleurs, on l’interdit complètement de parler et de sortir de son monde strictement professionnel. Pas parler de religion, pas parler de politique, pas parler de ce que vous voulez, etc. Donc il est enfermé dans l’homme-chose, pour sortir de l’« homme-chose », il faut, c’est un peu grandiloquent, mais il faut réapprendre à s’aimer entre nous au travail.
Vous savez, le travail, c’est comme une randonnée, quand tout le monde en bave pour monter au sommet, on ne se dit rien, on ne se parle pas, on s’attend plus au moins, etc., et à un moment donné, on sort le pique-nique et là ça redevient très humain. On peut s’intéresser à tout, on blague, on parle de politique, on s’engueule, etc. Il faut retrouver cette capacité à s’aimer entre nous. C’est-à-dire à parler de tout, y compris de sujets personnels, individuels le cas échéant, y compris des sujets tabous, il ne faut pas se laisser enfermer par les prétextes de la vie professionnelle, la vie personnelle, c’est deux choses différentes. Ce n’est pas vrai, c’est très poreux. Il ne faut pas se laisser enfermer non plus par le principe de laïcité et conclusion, on pourrait ne pas parler de religion, ce n’est pas possible non plus. Il faut retrouver le pique-nique de l’entreprise si vous voulez.

On dit qu’il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour. Quelles peuvent être ces preuves d’amour en entreprise ?

Je pense que c’est un engagement autant en entreprise, les dirigeants, on prend en charge le bonheur des gens, n’est-ce pas, les fameux « happiness managers » qui me plaisent pas trop, autant, je pense qu’il y a un devoir dans les dirigeants d’organiser les pique-niques. C’est-à-dire d’organiser des séminaires, des ateliers de travail, des sorties qui n’ont pas de vocation professionnelle. Regardez le nombre de séminaires où il y a un prétexte professionnel avec des réunions, des assemblées générales, et tout le tralala et personne n’y va parce que tout le monde va en ville visiter son musée et y a aucune collégialité, y a même pas le professionnel. Non, il faut délibérément faire des séminaires, faire des animations de toutes les équipes, et pas uniquement des dirigeants du reste, sur des sujets strictement non professionnels.

Réhabiliter le pique-nique, on retiendra ça, je pense que ça n’a pas été souvent dit dans les médias. Merci beaucoup Michel.

Merci.

Bonne année ! Et… merci !

Bonne année à chacun d’entre vous ! Et le fameux « bonne santé » prend un sens spécifique cette année. Force est de constater que le premier vœu qui s’exprime est de sortir de cette période si particulière : bientôt le premier anniversaire du confinement…

Les plus optimistes envisagent de faire la fête au printemps. Les plus pessimistes attendent 2024. Et certains voient dans cette pandémie une punition divine…

En ce qui me concerne, je souhaite souligner la beauté de l’Homme, dans ses réactions relationnelles, face à cette situation nouvelle. En effet, je n’oublie pas la rapidité d’adaptation des équipes Akeance comme celles des clients, au mois de mars dernier. Je n’oublie pas ces clients qui ont maintenu leur confiance dans le cabinet, en poursuivant toutes les missions en cours, sans exception. Je n’oublie pas ce grand groupe qui a donné pour consigne de régler les factures des partenaires à réception. Je n’oublie pas les réadaptations de l’automne où la règle de télétravail est souvent aménagée aussi bien par nos équipes que par celles de nos clients, pour tenir compte du bon sens de la nécessité de réunions présentielles. Je n’oublie pas ces nouveaux clients qui décident de nous confier une première mission à travers les écrans. Je n’oublie pas nos équipes qui se sont positivement débrouillées entre des réseaux de visioconférence parfois défectueux, des trains annulés, des vies personnelles chamboulées.

A tous ceux qui sont pour quelque chose dans ces nouvelles relations humaines, je veux dire merci ! Merci pour ces énergies positives ! Merci pour cette envie de demain ! Merci pour avoir dominé les craintes et les angoisses des uns et des autres ! Merci pour avoir fermé les yeux sur les nouvelles imperfections ! Merci d’avoir gardé le goût de la vie !

Bonne année à tous !

Travers et difficultés du recrutement des jeunes diplômés

Aujourd'hui Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, pour parler des travers et difficultés du recrutement des jeunes diplômés. Une interview menée par Thibault Lieurade.

Bonjour Michel MONDET.
Bonjour Thibault.

Vous êtes président d’Akeance Consulting. En 2019, avant la crise, c’est-à-dire il y a une éternité, on avait évoqué les difficultés de recrutement dans l’entreprise. Certains macroéconomistes disaient même, à l’époque, que ça pouvait être ce qui allait provoquer la prochaine crise. Qu’en est-il aujourd’hui ? Est-ce que vous le retrouvez toujours malgré les plans sociaux qui se multiplient, et donc, de plus en plus de candidats sur le marché de travail ?

Oui fondamentalement, le recrutement est toujours quelque chose d’ingrat. C’était le cas il y a quelques années, c’était le cas dans le monde d’avant n’est-ce pas ? Mais c’est le cas dans le monde pendant et je crains que ce sera encore le cas dans le monde d’après. Simplement les travers et cette ingratitude sont exacerbés si vous voulez. Il y a clairement pendant cette période des opportunistes, des gens qui ont envie d’attraper la houppette de Kairos, vous savez le dieu grec de l’opportunité, en disant si je prends 20% je suis content mais vous avez aussi des travers plus embêtants comme plus de mensonges dans les CV, les vrais mensonges, qui sont les diplômes qui n’existent pas etc., ou les faux mensonges qui sont qu’à 24 ans, j’ai une expérience de 10 ans si vous voulez. C’est un peu embêtant parce que du coup on a besoin de vérifier beaucoup plus, pas uniquement les motivations qui sont toujours compliquées mais de vérifier beaucoup plus les faits sur le parcours d’un candidat.
Mais pour avoir sa chance, il faut savoir se vendre comme on dit : qui ne tente rien, n’a rien.
Oui c’est vrai, mais il faut quand même éviter de se plaire pendant une heure ou deux heures d’entretien, voire une journée si vous voulez, pour être déçu pendant 364 jours par an. Donc il faut quand même essayer de se parler-vrai, pour parler-vrai, il faut parler, et c’est mon cas chez Akeance, on parle de la perspective de carrière, de la perspective du métier, des intérêts du métier, des aléas du métier, etc. pour être complètement transparent et là on bute sur deux sujets qui sont eux-mêmes exacerbés en cette période de crise. C’est l’aversion au risque des plus jeunes et par ailleurs, l’incapacité à se mettre en déséquilibre et à envisager le temps long. En gros, l’aversion au risque et l’aversion à l’engagement, c’est ça le temps long. Et je le vois systématiquement, dans cette période où l’aversion au risque est encore plus forte, quand on me dit, alors qu’on vient de me dire qu’on est tout à fait d’accord pour venir chez Akeance à tel prix etc., je sors le contrat, je dis maintenant on signe, et là, la réponse est : « je vais quand même réfléchir ou en parler à ma grand-mère » si vous voulez. Donc on voit bien le refus d’obstacle qui n’est ni plus ni moins qu’une aversion au risque et puis une aversion à l’engagement, très clairement l’aversion au temps long.
Et ça, ça crée j’imagine une forme de lassitude chez celui qui recrute.
Oui, ce n’est pas uniquement chez celui qui recrute mais je le vois pertinemment dans les cabinets de recrutement. On a une dizaine de cabinets de recrutement pour essayer de paralléliser le plus possible nos « searches ». Tout le monde est là parce qu’au fond, à force d’être « à peu près » et de « prétendre à » on finit par être mensonger profondément, c’est-à-dire que le candidat, même le recruteur ne sait plus s’il veut changer de boulot ou pas si vous voulez. Donc il y a une vraie lassitude et au fond on passe d’une situation où l’on se disait : « ce serait quand même bien que l’individu que je vais recruter me remplace dans 15 ans » à « celui-ci je ne sais même pas s’il va me dire oui » si vous voulez. Donc je pense qu’il faut vraiment que tous ces jeunes candidats reprennent en main leurs propres vies et qu’ils osent, qu’ils osent l’engagement, qu’ils osent le temps long, qu’ils osent le collégial avec leurs futures équipes si vous voulez.
Et pas le collectif si je comprends bien.
Absolument Thibault.
Merci beaucoup Michel MONDET.

Top