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Aujourd'hui Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, nous parle de ce que nous avons perdu avec le télétravail.
On a tous été positivement surpris par la qualité du télétravail. On est tous passé en travail à distance de manière massive au début de ce confinement. Et ce qui est surpris c’est vraiment des réunions qui se tiennent à l’heure, et une écoute certaine dans les échanges que nous avions, des ateliers à distance, des workshops à distance etc.
En revanche, il y a un sujet qu’on a peut-être moins vu venir et qu’on constate au bout de deux mois de confinement, c’est une « sorte » d’opérationnel qui se dessèche, et si vous permettez l’image avec les couleurs on aurait gardé le professionnel primaire et on aurait un peu laissé tomber le professionnel secondaire.
Alors le professionnel primaire, c’est évidemment la capacité technique à mener en travail à distance, à mener des réunions, des échanges, une analyse et des interrogations, etc ...
Le professionnel secondaire, c’est essentiellement trois choses : la première chose, ce serait l’absence de ces questions qui paraissent secondaires mais qui ne sont pas. Vous savez au fond, on a rarement une question à poser à quelqu’un. C’est quand on voit quelqu’un que quelqu’un suscite la question et comme on croise beaucoup de monde, on a moins de questions secondaires qui font qu’on approfondit un sujet, qu’on comprend mieux un sujet. Clairement, par exemple si vous voulez, on a tous remarqué en fin de la réunion, les tours de table sont souvent des reformulations de ce qu’a déjà été dit, mais à l’occasion des reformulations, il y a souvent une petite question cachée qui n’est pas si petite que ça et qui montre soit un désaccord soit une incompréhension sur les sujets traités. Ce premier type de professionnel secondaire est un peu tombé.
Un deuxième professionnel secondaire qui est un peu tombé également, je pense, c’est le principe du débat. Le débat, c’est évidemment exprimer son avis, apporter sa technicité, son expertise à une discussion et on l’a évidemment en télétravail. Mais on l’a sans pour autant avoir ce qui caractéristique d’un débat, c’est-à-dire, le poids de la conviction de celui qui émet l’avis et qui explique et qui apporte son expertise. Cet élément de conviction, cet élément d’implication sur le sujet n’est plus tellement présent dans un travail à distance. Le débat existe moins même si l’échange existe toujours.
Le troisième sujet est ce que j’appellerai l’apprentissage, élément professionnel apparemment secondaire au sens des couleurs, qui disparaît. Nous le voyons bien au cabinet notamment parce que les plus jeunes apprennent beaucoup des plus anciens, beaucoup de leurs chefs de mission. Ou que, ceux qui sont sur des expertises qui ne sont pas dans leur cœur de métier, qui sont dans des clients qu’ils ne sont pas leurs clients habituels, tout le monde a besoin d’apprendre des autres. Tout le monde a besoin d’apprendre par procuration au fur et à mesure, au fil des réunions, au fil des échanges qu’on a ensemble et qu’on a avec les clients. Et là on constate bien que cet apprentissage évidemment est beaucoup moins fort que lors de réunions en présentiel si vous voulez.
Donc au fond, on a perdu un petit peu ce professionnel secondaire. C’est surprenant en ce sens que je crois que nous pensions tous qu’avec le télétravail, on aurait besoin de retrouver « l’affect » entre nous. Au bureau, dans les réunions etc... Bien sûr nous avons besoin d’affect, nous sommes des mammifères intelligents mais il y a l’intelligence et c’est ce qui fait la partie professionnelle technique, la partie professionnelle primaire et l’affect, on a besoin de se retrouver avec ses collègues évidemment pour des raisons affectives. Mais je pense qu’on avait sous-estimé cet « entre-deux », cette espèce de part de magie entre l’affect et le technique qui s’appelle le professionnel secondaire.