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Bonjour Michel Mondet,
Bonjour,
Vous êtes président d'Akeance Consulting, dans votre dernière interview vous nous avez parlé du besoin de chefs, de la nécessité d'avoir des élites, on va parler cette fois-ci de la solitude du chef et je vais commencer par une question un petit peu personnellement, vous qui êtes chef d'entreprise est-ce-que vous vous sentez seul ?
Oui Thibault, oui je ne fais pas exception à la règle.
Donc ça existe !
La solitude du chef ça existe, oui !
Et quand est-ce qu'elle se révèle ?
Si vous voulez, j'ai envie de vous répondre un peu tout le temps. Plus vous avez d'équipe, plus vous êtes seul quelque part. Vous avez des sujets d'émotions, que vous ne pouvez pas présenter évidemment à vos équipes, les équipes n'attendent pas du chef une émotion. Vous avez les doutes intrinsèques, est-ce que j'ai raison de telle ou telle décision ? Est-ce que j'ai une préoccupation, qui est à la fois un doute et une émotion ? Et puis vous avez, est-ce-que ce qu'on me raconte est vraie ou pas vraie ? Non pas que les gens mentent systématiquement, mais l'interprétation de ce que l'on vous remonte comme information, évidemment, est forcément parcellaire et partiale à la fois.
Donc il y a un vrai paradoxe, plus le chef est entouré, plus il se sent seul. Mais est-ce qu'il faut en déduire que les équipes ne sont finalement pas prêtes à accepter les émotions de leurs dirigeants ?
Ce n'est pas tellement ça le sujet, elles sont prêtes bien sûr, mais ce n'est pas ce qu'elles attendent. Un dirigeant, si vous voulez, il doit fixer un cap, il doit fixer une trajectoire, les équipes attendent ça ! Les équipes attendent, trivialement dit, on va vers quoi, on fait quoi, et on va où, si vous voulez. Et donc le rôle dirigeant, c'est quand même de fixer ça, de manière un peu générale pas forcément aussi précise que des objectifs, pas forcément aussi précise que des chiffres, par exemple. Mais une trajectoire c'est un objectif général, c'est une sorte d'étoile du berger vers laquelle l'entreprise va et il faut décliner cette trajectoire sur les équipes, c'est pour ça que ça doit rester un peu général parce que chaque niveau hiérarchique, chaque équipe, chaque métier, doit pouvoir décliner cette trajectoire sur lui-même, sur son équipe.
Mais qu'est-ce qui se passe si les équipes doutent du cap qui a été fixée ?
Il n'y a pas de recette miracle vous savez. Il y a expliqué, expliqué, expliqué, la pédagogie c'est la répétition, premier sujet, et la trajectoire est homogène en interne comme en externe, du reste. Et puis par ailleurs, vous avez surtout le besoin, et ça c'est le devoir des dirigeants, d'identifier les forces de chacune de ses équipes, si vous voulez. Le dirigeant il a besoin et il doit dire à ses équipes là où ils sont bons, là où ils feront bien le travail, pour qu'ils fassent mieux et très bien si vous voulez. Il faut identifier le bien pour faire le très bien. Il ne s'agit pas de corriger les défauts pour que chacun rentre dans la trajectoire, ce que les enfants le savent très bien, corriger les défauts ça ne sert à rien ! Il faut plutôt identifier et aider les équipes de management à identifier les qualités des uns et des autres pour qu'elles deviennent très bonnes là où elles sont déjà bonnes, si vous voulez.
Alors je vous propose de pousser le raisonnement jusqu'au bout, qu'est-ce qui se passe si le chef doute lui-même du cap qu'il a lui-même fixé ?
Ça peut arriver, ça peut arriver, vous avez raison, c'est un cas un peu particulier, mais ça peut arriver. Effectivement le chef doute de sa trajectoire. Alors ça peut arriver, mais paradoxalement, quand c'est compliqué et que l'entreprise est en difficulté, il n'y aura pas de doute parce que la trajectoire sera facile à identifier. Il faut redresser l'entreprise, il faut regagner un marché, il faut rééquilibrer les équipes, éviter le plan social, vous avez des tas de conditions qui font que la trajectoire est simple à rectifier. Quand l'entreprise va bien c'est plus difficile, c'est là que le dirigeant aura probablement des risques de doute sur sa propre trajectoire. Jusqu'au où le dirigeant propose la mise en équilibre de l'entreprise, un déséquilibre parce qu'on va hypothéquer du cash, un déséquilibre parce qu'on va vouloir se diversifier, un déséquilibre parce qu'on va vouloir acquérir une filiale étrangère, etc. Donc le doute va s'installer à ce moment-là, et là on ne peut que conseiller à ses gens-là, si vous voulez, de se référer à ce fameux Sénèque un peu ancien n'est-ce pas, qui dit que finalement il n'y a jamais de bon vent pour qui ne sait pas vers quel port il vogue.
Et finalement tout cela traduit bien ce qui se passe dans l'intimité de ce chef, qui est décidément bien seul. Merci d'être venue vous livrez Michel Mondet.
Merci à vous Thibaut.
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