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La rse : de quoi je me mêle ?

Xerfi Business reçoit cette semaine Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting pour parler de la rse. Interview menée par Thibault Lieurade.

Thibault Lieurade : Michel Mondet, Bonjour.
Michel Mondet : Bonjour

Thibault Lieurade : Vous êtes président d’Akeance Consulting et on va parler, encore une fois et ce n’est pas la première fois que cela vous arrive sur ce plateau, d’un concept bien dans l’air du temps cette fois-ci, il s’agit de la RSE : la Responsabilité Sociale des Entreprises. Première question, pour vous, mode ou nécessité la RSE ?

Michel Mondet : Mode ou nécessité je ne sais pas. La RSE c’est quelque chose qui m’irrite beaucoup. Un premier sujet d’irritation qui est assez simple, la RSE dans l’entreprise devient un dogme, une sorte de secte si vous voulez, intouchable, qui devient un jocker à tout et à rien alors qu’à côté de ça, vous avez des comportements minimums de base en termes de qualité qui ne sont pas au rendez-vous. Combien d’entreprises ne répondent pas aux candidats qui postulent chez eux ? Une majorité. Combien de boîtes ne répondent pas dans les délais qui sont inscrits, promis, dans les appels d’offres ? Une majorité. Pareil pour les délais de paiement.
Il y a une deuxième chose qui m’irrite, c’est la porosité qui existe entre la RSE et les services achats.

Thibault Lieurade : Alors si je comprends bien ce que vous nous avez dit jusqu’à présent, c’est surtout une forme d’ingérence qui vous irrite ?

Michel Mondet : Oui il y a de l’ingérence. Dans les services achats c’est même pire que ça, on assiste à une espèce de jugement de son propre fournisseur. Que les services achats vérifient la légalité de leurs fournisseurs, don’t act, mais au-delà c’est un peu excessif, c’est vraiment de l’ingérence et même parfois de l’inquisition. Quand on me demande si j’ai des enquêtes de satisfaction au sein du cabinet : de quoi je me mêle ? Quand on m’interdit de mettre un stagiaire sur une mission alors que la première des responsabilités sociales d’entreprise à mon avis c’est d’aider les plus jeunes, on m’interdit de mettre un stagiaire sur une mission au nom d’un dogme de sécurité d’entreprise parce qu’il y a une Charte, un livre blanc ou je ne sais quoi sur la sécurité. Quand j’entends dire chez un de nos clients qu’un de nos confrères est blacklisté parce que des consultants ont dit qu’il y aurait une mauvaise ambiance dans le cabinet, plus subjectif je n’ai pas vu. Donc il y a une vraie limite à l’ingérence, il y a une vraie limite au subjectif et à cette porosité qu’il y a entre RSE et services achats. Vous savez, le début de la RSE, le basique, c’est aimer les gens et transmettre aux autres, c’est quand même déjà le rôle d’un responsable de service, de département ou d’un dirigeant. Il ne faudrait pas que la RSE, au nom d’un dogme, vienne encore plus déresponsabiliser les responsables et les managers.

Thibault Lieurade : Je dois dire que je suis un peu surpris par vos propos parce qu’en général quand on veut être critique vis-à-vis de la RSE on évoque plutôt des tactiques comme le green-washing. En effet l’actualité nous donne régulièrement des cas, je pense à cette entreprise qui gérait le barrage au Brésil qui a cédé début 2019, le barrage a cédé juste après la publication d’un rapport RSE magnifique.

Michel Mondet : Absolument et il y avait un autre rapport d’ailleurs qui expliquait que les tuyaux de débord des trop-pleins étaient bouchés, on aurait peut-être dû les déboucher. Mais là vous avez les deux sujets, vous avez la déresponsabilisation des managers qui évidemment n’ont rien fait suite au rapport technique, mais on s’est complu dans le rapport green. Sauver la planète c’est sûrement une bonne chose, mais à côté de ça vous avez aujourd’hui tous les jours à Paris, un 747 cargo qui arrive de Chine et qui livre des goodies, des coques de téléphone à moins de 20 dollars pièce. Tout ça est un caprice de chacun d’entre nous qui est fait au prix de quelques milliers de tonnes de carbone déversées tout de même donc je pense que la responsabilité collective n’a pas beaucoup de sens, il faut qu’on ait une responsabilité strictement individuelle, et des engagements très personnels sur des sujets de green-washing ou de sauvetage de la planète.

Thibault Lieurade : Mais finalement est ce que ce n’est pas un vœu pieux de « revenir au bon sens », de compter sur le bon sens ?

Michel Mondet : Non ce n’est pas un vœu pieux, je pense qu’il faut d’une part se dire que n’importe qui ne peut pas dire n’importe quoi ou demander n’importe quoi donc encore une fois que les achats vérifient des sujets de légalité, cela ne me gêne pas, qu’on ait des engagements de moindre consommation de gobelets en plastique c’est plutôt très bien, simplement il faut faire très attention à ce que l’on n’ait pas au nom d’un dogme, au nom d’une charte ou au nom d’un engagement ou de valeurs de RSE, que l’on ait in fine, un faux nez qui cache des imperfections de gestion et pire, que l’on aille vers de jockers de non-qualité, de non-respect. Il est très important de faire attention à ce faux nez qui est en train de naître à cause d’une RSE qui serait quelque part mal placée.

Thibault Lieurade : Merci beaucoup Michel Mondet d’être venu partager avec nous votre irritation au sujet de cette RSE.
Michel Mondet : Merci à vous.

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