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Les tabous de la délocalisation

C’est un tabou : la délocalisation des fonctions supports des entreprises est un projet qui a plus de risques d’échouer que la délocalisation d’unités de production industrielle : Alors pourquoi est-ce un tabou ? C’est ce que nous allons voir avec Michel Mondet, président d’Akeance ConsultingUne interview menée par Thibault Lieurade

La délocalisation des centres de services partagés, la comptabilité ou la direction financière, permet-elle de réaliser des économies en raison d’un coût du travail moins élevé ?

Non, pour plusieurs raisons. D’abord, il faut se rendre compte que le personnel d’un centre de services partagés est souvent plus difficile à recruter que des personnels de sites de production. Ensuite, il faut avoir conscience de l’inflation régulière et systématique des salaires locaux. C’est d’autant plus vrai dans les « places de délocalisation ». Outre cette inflation, la surenchère locale entre les groupes « délocalisaeurs » est fréquente. Enfin, le turn over corollaire à ces situations implique un accroissement très significatif des coûts de suivi, coordination et autres « overheads ».

Vous voulez dire que cette délocalisation n’est pas efficace ? Qu’il n’y a pas de gains de productivité ?

Vous avez doublement raison ! Les points de contrôle, les allers-retours avec le pays d’origine, sans parler d’obstacles qui peuvent apparaître plus futiles comme le décalage horaire, sont largement sous-estimées. Et puis n’oublions pas que la notion de productivité n’existe pas ou peu en dehors du monde anglo-saxon et de la France. Or, on n’y pense guère quand il s’agit de projets d’externalisation ! Cela signifie qu’il est très difficile de manager une productivité localement.

Il y a donc des spécificités locales qui sont occultées…

Oui, et encore…je n’ai pas abordé une question encore plus cruciale qu’est celle de la corruption. Comme me le disait le patron d’un grand groupe de service, « chaque années dans notre zone Asie, un directeur financier sur deux est mis à la porte pour des faits de corruption ». L’europe de l’est ou l’Amérique latine ne font pas exception. Mais c’est vrai qu’en France, on est moins confronté à ce problème, donc on le sous-estime.

Mais alors pourquoi, en dépit de ce manque d’efficacité que vous nous décrivez, n’assiste-t-on pas à un mouvement de relocalisation de ces services partagés ?

Tout simplement parce qu’une fois le processus engagé, ceux qui l’ont décidé ont du mal à reconnaître leurs erreurs. C’est là qu’il y a un tabou, qui touche à notre bon sens cartésien. Les équipes de management de ces délocalisations ont mal mesurés les impacts ; elles ne peuvent que constater ces dérapages, ne reconnaissent pas leurs erreurs et les activités délocalisées se trouvent au milieu du gué, ce qui est bien sûr la pire des situations. Que dire de ces groupes qui ont délocalisés une faible partie de leur comptabilité et qui retardent sine die la poursuite de délocalisation de la comptabilité ?

Mais alors comment y remédier ?

Eh bien tout simplement, en osant mettre en place un processus de relocalisation. Autrement dit, en levant le tabou !

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