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Xerfi Canal a reçu Michel Mondet, Président d'Akeance Consulting, pour parler de la fin des petits commerces. Une interview menée par Thibault Lieurade.
Bonjour Michel MONDET.
Bonjour Thibault.
Vous êtes président d’Akeance Consulting et on va parler dans cette interview de l’avenir du petit commerce mis à rude épreuve par la crise mais dont les maux remontent, bien entendu, à avant 2020. Alors, tout d’abord avec votre permission, je voudrais faire quelque chose d’un petit peu inhabituel en introduction c’est de partager un message que vous avez envoyé très récemment aux équipes d’Akeance. Je le lis : « Merci à tous de ne pas se faire livrer au cabinet ce que nous pouvons aller chercher par soi-même chez les commerçants du quartier, notamment les repas du midi. » Alors pourquoi une telle consigne ?
Vous êtes bien renseigné Thibault. Pour deux raisons : une petite raison technique si j’ose dire et puis une vraie raison. La raison technique c’est que chez Akeance, vous savez, nous avons un pôle d’excellence sur le transport et la logistique et nous savons donc que le dernier kilomètre pose problème. Les livreurs ne respectent évidemment pas la réglementation qu’elle soit du travail, social etc. Et que c’est un métier extrêmement pénible. Donc on a cette connaissance. Et il faut ajouter à cela la raison de fond. C’est que chez Akeance le dogme est interdit si vous voulez. Le seul dogme qui existe c’est qu’il n’y a pas de dogme. Donc il faut être légitime. Être légitime c’est avoir un avis structuré, construit avec des arguments et ensuite mettre en cohérence son comportement avec son avis. Et comme tout le monde partage le fait que ces livreurs sont mal traités et bien si on considère que les livreurs sont mal traités on n’a pas recours à eux.
Mais finalement, cette initiative n’est-elle pas un peu vaine face à la puissance des plateformes aujourd’hui ?
Elle est un peu vaine parce qu’on est que soixante si vous voulez. Dans ce monde on est bien petits vous avez raison. En même temps, il faut résister non pas aux plateformes car au fond elles n’y sont pour rien. Il faut résister à cette fainéantise. Se faire livrer des sushis à 20h30 faut quand même y aller si vous voulez Thibault. Cette forme de fainéantise, il faut vraiment résister à cela. Et puis deuxièmement, derrière la fainéantise vous avez quelque chose de plus grave : le téléphone est un doudou tout le monde le sait mais de manière cachée. Plus psychanalytiquement, les « applis » qui sont dans le doudou, y compris ces « applis » d’achat et de livraison, sont des jouets. Donc on joue à se commander des sushis si vous voulez. Ça c’est beaucoup plus pervers, plus cynique, plus grave pour l’individu dans son comportement d’irresponsabilité face aux livreurs qui en bavent pour faire court.
Mais au-delà de cette crise, si on revient aux maux qui rongeaient le petit commerce avant 2020, est-ce qu’il ne faut pas faire ce constat, un petit peu lugubre, que le petit commerce est condamné face aux plateformes et ne peut pas rester compétitif ? Puisque ces plateformes, je le rappelle, optimisent fiscalement leurs revenus, jouent avec le droit du travail etc.
Oui, vous avez partiellement raison. Il faut comparer le comparable. On ne peut pas lutter avec la fiscalité du Luxembourg. On ne peut pas lutter avec le droit du travail irlandais. C’est l’Europe qu’est-ce que vous voulez. Le petit commerce fait très bien son travail. Il y a une proximité, il y a un conseil, il y a une disponibilité. Il n’y a pas l’immédiateté de votre achat sauf que l’immédiateté de votre achat vous ne l’avez pas non plus sur une plateforme. Le sujet n’est pas chez les petits commerçants et n’est pas non plus chez les plateformes. Il est chez le consommateur qui est complètement schizophrène : d’un côté complètement « bobo » qui dit qu’il faut aller chez les petits commerçants sauf que, par fainéantise et par jeu psychanalytique comme on vient de l’évoquer, ils privilégient les achats qui se font sur les plateformes. Ce n’est pas nouveau. Dans les années 80, souvenez-vous, enfin vous ne vous en souvenez peut-être pas vous, il y avait les « hypers ». Tout le monde allait faire ses courses à « l’hyper » et défendait le petit commerce. Pourquoi ? Et bien parce que, évidemment, c’était bien pratique d’aller à 23h chercher son litre de lait chez le petit commerçant parce que précisément on l’avait oublié chez Mammouth.
Oui, Mammouth ça rappelle des souvenirs effectivement.
Ah, ça vous rappelle quelque chose.
Merci beaucoup Michel Mondet.
Merci à vous Thibault.